LA JEUNE CHAMBRE ECONOMIQUE DE SUCY NOVEMBRE 1983 – MAI 1985
C’est en novembre 1983, qu’au sein de la Jeune Chambre Economique de Sucy, association hélas disparue aujourd’hui, fut évoquée, puis adoptée, l’idée de replanter la vigne à Sucy.
Imaginez la surprise des membres de cette association lorsque l’un des leurs leur proposa un tel programme… Il fallut expliquer, convaincre puis faire adhérer : C’est ce qui fut fait. Sept personnes s’attelèrent à la tâche.
Leur première mission fut d’aller rencontrer les responsables des vignes de Suresnes, Argenteuil, Montmartre, Bagneux et Vaugirard - les seules qui existaient alors – afin de se documenter sur la façon dont il fallait s’y prendre pour choisir les terrains, les cépages, organiser les travaux et analyses de sol préalables à la replantation, se doter du matériel nécessaire à la culture puis à la vinification.
Alors souffla un vent de panique : Dans quelle affaire ces doux rêveurs s’étaient-ils lancés ? Cela, en effet, n’était pas aussi simple que ce que l’on aurait pu penser et, avant tout, il fallait trouver un terrain. Nos valeureux pionniers, si l’on peut les appeler ainsi, se mirent alors en quête de terrains, et de parrainages aussi car, il faut bien le rappeler, si les dieux du vin savaient les inspirer et leurs muses les encourager une telle opération ne pouvait se réaliser sans quelques investissements minimums.
Sans hésiter, ils allèrent donc présenter leur projet à la Mairie où ils furent poliment accueillis et écoutés mais où on leur fit comprendre qu’une telle idée, aussi séduisante soit-elle malgré son caractère un peu farfelu, ne pouvait être cautionnée par la Municipalité et que celle-ci, malgré son désir de leur être agréables, ne pouvait pas mettre à leur disposition un quelconque terrain pour sa réalisation. Il fallut donc trouver autre chose…
C’est dans le Clos de Ville bien évidemment, dans son site historique, qu’il fallait trouver un terrain. Plan cadastral en mains, de nombreux week-end furent consacrés à repérer les terrains en friche, à identifier leurs propriétaires, à leur présenter le projet… Certains pensèrent alors réaliser une fructueuse opération financière pour laquelle la Jeune Chambre Economique ne disposait cependant pas du moindre sou. D’autres qui s’étaient appropriés des terrains qui ne leur appartenaient pas firent valoir la prescription trentenaire.

L’un d’entre eux, qui déjà avait une petite idée sur le lotissement futur du Clos de Ville et qui, dans ce but, était déjà propriétaire de nombreuses parcelles leur conseilla plutôt d’aller planter la vigne du côté du Grand Val… Ce n’était pas facile ; jusqu’au jour où, enfin, ils rencontrèrent M. et Mme Roger Keiffer qui se déclarèrent enthousiasmés par le projet et mirent à leur disposition moyennant un loyer symbolique de 50 Francs par an (7.62 €) deux terrains de 250 m²; chacun. L’un qui est aujourd’hui incorporé dans le terrain principal, à son extrême droite lorsque l’on arrive par le haut du Clos de Ville, l’autre en bas du Clos, celui que l’on appelle « 2° tranche ».
Ils pouvaient alors commencer à réellement travailler.
Il faut préciser que ces intrépides pionniers, s’ils aimaient le vin et ne s’en cachaient pas, n’avaient par contre pas la moindre idée de la façon dont il fallait s’y prendre pour amener le divin breuvage de la terre jusque dans les verres. Ils se mirent alors en quête de conseils : Œnologues, viticulteurs, « sachant… » qui leur prodiguèrent tous des avis aussi éclairés que divers sur la préparation des terrains : analyses de sol, drainage, profondeur des labours, apports divers de graviers, fumures de fond ou d’humus ; sans oublier le choix des porte-greffes et celui des cépages : Chardonnay, sauvignon, auxerrois, sémillon, chenin, gros plant, muscadet ou pinot (noir, gris, voire blanc…).
Il faut bien l’avouer, leur ignorance de toutes ces questions, qui les empêchait d’apprécier la qualité des conseils qui leur étaient donnés, étant aussi vaste que l’enthousiasme qu’ils portaient à la réalisation de leur projet, les incita à choisir la voie qui leur paraissait la plus raisonnable : suivre les conseils de quelqu’un qui avait déjà l’expérience de la conduite d’une vigne en Ile-de-France et qui y réussissait : Etienne Lafourcade, le père de la vigne de Suresnes de grande renommée, qui nous conseilla les cépages sauvignon et sémillon, sur porte greffes SO4, lesquels contribuaient sans conteste à la qualité de son vin. Etienne Lafourcade, de plus, s’était proposé de suivre les vignerons en herbe pendant toute la phase préparatoire jusqu’à la plantation, ce qu’ils acceptèrent avec soulagement et une reconnaissance infinie.
Les problèmes d’ordre technique étant résolus, il fallut alors se préoccuper de domaines bien moins palpitants : la recherche de parrainages financiers et de partenaires culturels pour soutenir le projet et promouvoir une action de sensibilisation auprès de la Municipalité et de la population afin que la vigne de SUCY soit aussi, et surtout, celle des sucyciens.
Il fallait en effet sensibiliser les sucyciens à ce projet, les y intéresser, le leur faire partager :

- Une conférence sur le thème de « La vigne et le vin en Ile-de-France » est organisée le 5 juin 1984 avec la participation de deux œnologues (et la dégustation, in fine, de crus régionaux !)

- Une plaquette présentant le projet est diffusée, début septembre, en 10 000 exemplaires à Sucy. Un montage audio-visuel, présentant les vignes de Suresnes, Argenteuil, Bagneux et Vaugirard est projeté en boucle lors des fêtes de SUCY : à la 1° foire aux vins et au jambon et à la fête des associations ; et une tombola, pour commencer à financer le projet est organisée : les billets ont la forme d’une étiquette de vin…
- En octobre, une conférence - exposition est organisée au Centre Culturel de Sucy sur le thème « LE VIN » avec la participation des Humoristes Associés (dont le sucycien Serre et ses camarades : Avoine, Barbe, Mordillo, Sabatier, Sine et Trez)
- Des contacts sont pris avec la presse régionale et nationale et quelques articles relateront le projet.
La vocation de la JCES n’étant pas, toutefois, de pérenniser personnellement le projet mais de le transmettre « clés en mains » à un « Comité de gestion », divers contacts sont pris avec des personnes lui ayant régulièrement marqué leur intérêt (dont et, le 8 janvier 1985, lors d’une soirée glaciale et particulièrement enneigée, s’est constituée l'Association pour la Vigne à Sucy (AVIS) avec 12 membres fondateurs, dont certains sont toujours membres de notre Conseil Chapitral) laquelle, avec la JCES va se préparer à prendre la vigne en main dès sa plantation.
Pour financer l’opération, une souscription de « ceps d’honneur » est lancée. Lequel donnera droit à participer à un tirage au sort à l’issu duquel les heureux gagnants auront le droit d’acheter une des premières bouteilles de vin de Sucy : le millésime 1987. L’engouement est tel pour se les procurer que certains imaginèrent, à un moment, qu’ils étaient en possession de contrefaçons…
A la même époque commencent les recherches de parrainages pour la préparation du terrain (dessouchage, labour, drainage…), pour le don des plants, des poteaux pour le palissage, de la clôture,du portail…
Quelques nuits blanches encore en perspective pour nos valeureux pionniers, mais leur foi était inébranlable.
C’est le Service des espaces verts de la Municipalité, à la demande du maire de l'époque Jean-Marie Poirier qui reconnaît alors la validité du projet et tout le travail réalisé, qui fournit une aide importante pour mettre le terrain en état d’accueillir la vigne.
Une Entreprise de Sucy fournit le matériel pour la clôture et le portail, un forestier bien connu fait cadeau des piquets pour tuteurer les pieds de vigne qui sont généreusement offerts par un pépiniériste d’Anjou.
La fièvre monte : il faut labourer, drainer, piqueter, planter… Ce sont les enfants de CM2 de l’école de la Fosse Rouge qui, le 3 mai 1985, accompagnés de leur Maître Camille Lautier et de Jacques et Jeannine Audoin de la JCES, sous l’autorité bienveillante d’Etienne Lafourcade et de son fidèle assistant vigneron Jean Dumas, replantent les 150 premiers ceps.
Il fallut alors mettre au point et préparer la cérémonie d’inauguration, lancer les invitations, organiser le défilé avec les enfants de la Fosse Rouge, la musique municipale, quelques confréries amies venues de Saint-Maur, Montmartre et du Comte de Nice, la presse, les radios « libres » comme on disait à l’époque, la foule et… les personnalités : Monsieur le Maire et son conseil, Madame la député.
C’est le 1° juin 1985, sous un soleil éclatant, qu’après s’être donné rendez-vous sur le parvis de l’église Saint Martin, le cortège s’ébroue joyeusement vers le « vignoble » où, après les discours d’usage, la remise des clés du Clos par la Présidente de la JCES : Françoise Iphigenie au Président de l’AVIS, la coupure du ruban symbolique,
Les festivités se terminèrent par un vin d’honneur, organisé sur le terrain de ce qui allait devenir plus tard la « deuxième tranche », au cours duquel furent dégustés un jus de raisin par les enfants et un vin de cépage sauvignon par les autres.
Ce n’étaient pas encore ceux de la vigne de Sucy, mais ce jour-là, certains commencèrent à y croire…
MISSION ACCOMPLIE !!!!
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